De William Heaney, alias Graham Joyce, publié chez Bragelonne en grand format et en version numérique.
Résumé de quatrième de couverture :
William est un faussaire spécialisé dans les livres. Il est doué pour l'écriture mais préfère griffonner incognito des poèmes pour un ami plus séduisant que lui et fabriquer des exemplaires factices de premières éditions de Jane Austen qu'il vend ensuite à des collectionneurs crédules. II n'est pas si mauvais, au fond : il reverse l'argent récolté à un foyer pour SDF et ses crimes ne font de mal à personne. Mais si William n'a rien fait d'autre de sa vie, ce n'est pas sans raison. Il a commis quelque chose quand il était étudiant qui lui fait honte, boit beaucoup trop et ne peut s'engager dans une relation amoureuse. Ah oui, et il voit des démons. Des silhouettes éthérées qui rôdent derrière le dos de ceux qui l'entourent, guettant un instant de faiblesse. À moins que William voie simplement la souffrance du monde ? C'est alors qu'une femme extraordinaire, peut-être capable de l'en sauver, entre dans sa vie...
Commençons par dire que c’est du fantastique au sens strict du terme. Le surnaturel n’est pas des plus discrets, mais il est tout relatif car uniquement dévoilé à travers les perceptions des personnages. Vous êtes donc prévenus, n’attendez pas de ce roman qu’il passe un certain seuil de « normalité ». Pour autant, ce n’est pas non plus du fantastique à l’ancienne qui cultive religieusement l’ambiguïté. On croit ou ne croit pas, on peut se poser des questions, mais ce n’est pas non plus l’essence-même de l’histoire. Le surnaturel fait simplement partie du récit, comme une tache d’ombre sur une photo.
C’est plus moderne donc, mais toujours axé sur la psyché du héros. Le fantastique est souvent une littérature de l’être, une histoire symbolique de la formation du mental et du basculement de l’esprit vers une autre réalité, ou plutôt une oscillation entre deux réalités. Le lecteur ne sait jamais vraiment si le personnage est d’une extrême lucidité ou s’il devient simplement fou. C’est cette ambigüité qui me plaît, ce vacillement, parfois même imperceptible, ces voies multiples qui s’ouvrent devant le lecteur.
Mais ne vous faites pas de fausses idées, ce roman, s’il n’est pas une lecture que l’on peut qualifier de légère, n’est pas non plus pesant et déprimant. C’est un bon miroir de la vie en générale, avec ses dérives, ses tragédies, mais aussi ses joies, les amitiés qui se nouent, les étranges coups du sort et rencontres fortuites qui font le quotidien. Et Joyce sait comme personne décrire ce quotidien en demi-teinte… Son style exquis, subtil, mais aussi acéré est tout entier au service de son récit.
Il a une façon incroyablement sensible et évocatrice de dépeindre la psyché humaine, une écriture vibrante d‘émotion, tout en étant très terre-à-terre et ne versant jamais inutilement dans le pathos, qui me fait toujours apprécier ses ouvrages, mais qui me fait aussi les regarder avec appréhension avant de les ouvrir. Il sait faire du quotidien une histoire dense, plus psychologique que réellement basée sur l’action. Il peut passionner son lecteur avec bien peu de choses au final.
J’ajouterai également que Mélanie Fazi est sans nul doute une des meilleures traductrices possibles pour Graham Joyce. Elle sait à la perfection transposer les subtilités de son écriture.
L’histoire en elle-même est fort simple. William Heaney, le narrateur et personnage central, nous invite dans son existence un peu terne. Divorcé, englué dans un travail de bureaucrate qu’il juge absurde, il vivote tranquillement entre son boulot et ses soirées avec ses copains du club des chandelles, montant quelques escroqueries qui lui servent à financer un refuge pour sans-abris. William est un personnage emmuré dans ses souvenirs, hanté par ses lâchetés, qui a méthodiquement chassé toute passion de sa vie. Il l’a passée à se planquer, loin des sentiments exacerbés qui s’apparentent pour lui aux démons qu’il voit partout.
Un peu paumé et alcolo sur les bords, cynique, un peu cinglé aussi, il est malgré tout assez drôle, intelligent, attachant, très humain et au fond on l’identifie tout de suite comme quelqu’un de bien, peut-être un peu lâche, mais cherchant à se rattraper de ses erreurs passées. Je dois avouer qu’il m’a été particulièrement sympathique.
Les personnages sont toujours la meilleure réussite de Joyce, il sait les rendre vivants. Celui-ci n’échappe pas à la règle, mais les personnages secondaires sont tout aussi bien construits, aussi réels et travaillés. Chacun à son histoire et, si William est le personnage principal, aucun n’est pour autant oublié ou voué uniquement à faire tapisserie. Ils sont tous aussi essentiels les uns que les autres à la construction de ce récit, tout comme l’est la ville avec son ambiance et sa culture. Tout forme un ensemble des plus cohérents, un canevas complexe.
C’est une histoire en spirale plus qu’une chronologie double. Au début le passage au passé peut dérouter, mais on comprend vite comment marche l’esprit de William. Ces incursions dans le passé finissent par se fondre dans le récit et j’ai trouvé le tout très fluide et bien pensé. C’est en cela que ça me fait penser à une spirale. Depuis le nœud du problème, cette culpabilité que traîne le personnage, à sa vie actuelle, son existence a évolué en spirale, décrivant des cercles de plus en plus grands, mais toujours avec ce rappel, ce point douloureux par lequel il faut repasser de cercle en cercle. Et comme dans toute spirale, au-delà de ce point central sur lequel se focalise notre héros, des choses se répètent, reviennent sous d’autres formes, des détails sans cesse renouvelés poussent au souvenir ou à la réflexion. C’est une histoire parfaitement construite, très prenante et qui m’a particulièrement touchée. C’est peut-être un peu à cause de mon histoire personnelle, mais je pense que la sensibilité avec laquelle Joyce nous fait percevoir l’histoire de William y est aussi pour quelque chose.
J’ai vraiment beaucoup apprécié cette lecture, mais je conçois que ce ne soit pas le genre de tout un chacun. Il n’y a pas beaucoup d’action, on suit surtout la vie quotidienne de ce personnage qui voit des démons et essaie de ne pas se noyer dans ses propres regrets. Ce que j’ai aimé, c’est que le fantastique est ici au service de cette réalité, somme toute simple et terne, et qu’au lieu de nous en distraire, il la met plutôt en relief. C’est, pour moi, un excellent roman.
C’est plus moderne donc, mais toujours axé sur la psyché du héros. Le fantastique est souvent une littérature de l’être, une histoire symbolique de la formation du mental et du basculement de l’esprit vers une autre réalité, ou plutôt une oscillation entre deux réalités. Le lecteur ne sait jamais vraiment si le personnage est d’une extrême lucidité ou s’il devient simplement fou. C’est cette ambigüité qui me plaît, ce vacillement, parfois même imperceptible, ces voies multiples qui s’ouvrent devant le lecteur.
Mais ne vous faites pas de fausses idées, ce roman, s’il n’est pas une lecture que l’on peut qualifier de légère, n’est pas non plus pesant et déprimant. C’est un bon miroir de la vie en générale, avec ses dérives, ses tragédies, mais aussi ses joies, les amitiés qui se nouent, les étranges coups du sort et rencontres fortuites qui font le quotidien. Et Joyce sait comme personne décrire ce quotidien en demi-teinte… Son style exquis, subtil, mais aussi acéré est tout entier au service de son récit.
Il a une façon incroyablement sensible et évocatrice de dépeindre la psyché humaine, une écriture vibrante d‘émotion, tout en étant très terre-à-terre et ne versant jamais inutilement dans le pathos, qui me fait toujours apprécier ses ouvrages, mais qui me fait aussi les regarder avec appréhension avant de les ouvrir. Il sait faire du quotidien une histoire dense, plus psychologique que réellement basée sur l’action. Il peut passionner son lecteur avec bien peu de choses au final.
J’ajouterai également que Mélanie Fazi est sans nul doute une des meilleures traductrices possibles pour Graham Joyce. Elle sait à la perfection transposer les subtilités de son écriture.
L’histoire en elle-même est fort simple. William Heaney, le narrateur et personnage central, nous invite dans son existence un peu terne. Divorcé, englué dans un travail de bureaucrate qu’il juge absurde, il vivote tranquillement entre son boulot et ses soirées avec ses copains du club des chandelles, montant quelques escroqueries qui lui servent à financer un refuge pour sans-abris. William est un personnage emmuré dans ses souvenirs, hanté par ses lâchetés, qui a méthodiquement chassé toute passion de sa vie. Il l’a passée à se planquer, loin des sentiments exacerbés qui s’apparentent pour lui aux démons qu’il voit partout.
Un peu paumé et alcolo sur les bords, cynique, un peu cinglé aussi, il est malgré tout assez drôle, intelligent, attachant, très humain et au fond on l’identifie tout de suite comme quelqu’un de bien, peut-être un peu lâche, mais cherchant à se rattraper de ses erreurs passées. Je dois avouer qu’il m’a été particulièrement sympathique.
Les personnages sont toujours la meilleure réussite de Joyce, il sait les rendre vivants. Celui-ci n’échappe pas à la règle, mais les personnages secondaires sont tout aussi bien construits, aussi réels et travaillés. Chacun à son histoire et, si William est le personnage principal, aucun n’est pour autant oublié ou voué uniquement à faire tapisserie. Ils sont tous aussi essentiels les uns que les autres à la construction de ce récit, tout comme l’est la ville avec son ambiance et sa culture. Tout forme un ensemble des plus cohérents, un canevas complexe.
C’est une histoire en spirale plus qu’une chronologie double. Au début le passage au passé peut dérouter, mais on comprend vite comment marche l’esprit de William. Ces incursions dans le passé finissent par se fondre dans le récit et j’ai trouvé le tout très fluide et bien pensé. C’est en cela que ça me fait penser à une spirale. Depuis le nœud du problème, cette culpabilité que traîne le personnage, à sa vie actuelle, son existence a évolué en spirale, décrivant des cercles de plus en plus grands, mais toujours avec ce rappel, ce point douloureux par lequel il faut repasser de cercle en cercle. Et comme dans toute spirale, au-delà de ce point central sur lequel se focalise notre héros, des choses se répètent, reviennent sous d’autres formes, des détails sans cesse renouvelés poussent au souvenir ou à la réflexion. C’est une histoire parfaitement construite, très prenante et qui m’a particulièrement touchée. C’est peut-être un peu à cause de mon histoire personnelle, mais je pense que la sensibilité avec laquelle Joyce nous fait percevoir l’histoire de William y est aussi pour quelque chose.
J’ai vraiment beaucoup apprécié cette lecture, mais je conçois que ce ne soit pas le genre de tout un chacun. Il n’y a pas beaucoup d’action, on suit surtout la vie quotidienne de ce personnage qui voit des démons et essaie de ne pas se noyer dans ses propres regrets. Ce que j’ai aimé, c’est que le fantastique est ici au service de cette réalité, somme toute simple et terne, et qu’au lieu de nous en distraire, il la met plutôt en relief. C’est, pour moi, un excellent roman.
Avec cette lecture je fais d'une pierre trois coups, mais seulement deux nous intéressent ici car c'est une lecture pour le club de Vampires et Sorcières et que ça me fait aussi un auteur anglais pour le défi lecture.
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