Un roman de Philippe Pratx, publié aux éditions L'Harmattan.
Théo et Léo ont trouvé un scénario sur une clé USB oubliée. Vous savez ce que c’est, ils ont trouvé la clé abandonnée sur un ordi, alors ils ont regardé pour voir si son ou sa propriétaire n’avait pas laissé ses coordonnées dedans, mais il n’y avait que le scénar, non signé. Ils ont laissé la clé, après avoir imprimé l’ouvrage, mus par la curiosité et bien décidés à percer ce mystère. Qui mieux que Lola, leur amie étudiante en cinéma, pourrait les accompagner dans leur enquête ?
Toutefois Théo, Léo et Lola ne devraient peut-être pas prendre leurs aises, car qui dit qu’ils sont les personnages principaux ? Ceux du scénar, Olivier — pétri de rêves communistes mais aussi de fierté identitaire — et Alena — distante et néanmoins bouillonnante de sensations, de sentiments, de pensées qu’elle ne parvient pas toujours à exprimer — ainsi que tous ceux qui gravitent autour d’eux ont une nette tendance à voler la vedette à ces personnages du roman un peu plats cherchant à les analyser, en quête du moindre indice. Et puis il y a cet agaçant narrateur qui semble vouloir nous embrouiller sans cesse avec des réflexions plus ou moins creuses et digressives. Le narrateur, c’est un peu toutes ces personnes qui croient opportun de vous tirer de votre lecture. Parce que c’est connu, un lecteur est en attente que la vie le rappelle. Ou le plus souvent en attente qu’on l’ennuie avec des palabres qu’on croit plus intéressantes que n’importe quel livre… Et il palabre ce narrateur, c’est sûr, mais qui est-il en fait ? Est-il l’auteur ? Du livre ou du scénario ? Est-il vraiment omniscient, voire omnipotent, ou juste un personnage mégalomane ? Cache-t-il des vérités sous des couches et des couches de mots qui parfois captent votre attention pour mieux vous engourdir l’esprit trois paragraphes plus loin ? Et n’oublions pas — même si ce serait difficile — le scénar lui-même, personnage à part entière. Un scènar qui ne semble pas vouloir choisir son genre, qui intrigue, qui accroche, plus que l’histoire qui se tisse autour de sa découverte.
J’ai aimé le mystère nimbant le scénario, cette mise en abyme permanente et ces strates, ces personnages difficiles à cerner. J’aime qu’on m’égare. Cependant, la narration, avec ces digressions permanentes, qui ne m’ont pas toujours semblé naturelles, n’a eu de cesse de me repousser hors de l’histoire. S’emmêlent des considérations sur l’écriture, sur la vie, sur le cinéma, sur la psyché humaine, la musique et tant d’autres sujets, que l’on trouve soit intéressantes, soit pontifiantes ou déplacées selon l’humeur et le stade de la lecture. L’auteur se moque de nous et de nos attentes, ce qui est plutôt une bonne chose, mais la finalité de tout cela reste absconse.
Je pense être une lectrice attentive, et pondérée, peu encline à absorber et ressentir sans avoir intellectualisé d’abord. Notez que ce n’est pas forcément une bonne chose et que j’en suis consciente. Les récits à tiroirs ne me perturbent pas, les digressions non plus. En fait, plus on cherche à m’égarer, plus je tends à regarder autour de moi pour trouver les contours de l’illusion et sortir du cadre afin de mieux observer le tableau. Mais là, j’avoue qu’à un moment, j’ai juste laissé glisser parce que je n’en pouvais plus des monologues du narrateur. Je n’y ai pas trouvé de sens, mais après tout on n’a jamais dit qu’il devait y en avoir un, même si on voudrait nous le faire croire.
Le scénar lui-même, qui tourne et vire sans cesse, comme s’il cherchait à définir sa propre nature au fil du voyage, un peu comme nous au fil de la vie en fait, m’a offert la partie la plus plaisante de la promenade. Pour moi, il avait surtout la saveur des nouvelles de Fantastique que j’ai toujours affectionnées et il l’a gardé jusqu’à la fin. Les multiples interruptions n’ont jamais vraiment réussi à m’en détourner. À côté de ça Lola, les jumeaux et tous les personnages qui gravitaient autour avaient la pâleur de didascalies plutôt que l’épaisseur d’une histoire secondaire.
Ce qui est signifiant, ce qui ne l’est pas, les digressions diverses, les coïncidences, grossières ou subtiles, et les mcguffins, tout se mélange et ce n’est pas important au final. Ce roman est un récit à niveaux plus qu’à tiroirs, différents niveaux de lecture, qu’on veuille ou non les explorer. On l’aime, ou pas, et je l’ai aimé, même si je ne l’ai pas toujours compris. À vous de voir si vous trouverez votre chemin dans ce labyrinthe.
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