jeudi 15 juin 2023

Monsieur Apothéoz

Une BD de Julien Frey et Dawid, publiée chez Vents d'Ouest.



Chez les Apothéoz, on se plante toujours en beauté. C’est ce que pense Théo, le dernier de la lignée, au point qu’il est bien décidé à ne rien entreprendre pour ne rien rater. De toute façon sa fin sera exceptionnellement navrante, il en a la certitude. 
Alors qu’il nous conte les déboires de ses ancêtres, on se rend bien compte qu’il a des raisons de broyer du noir, mais de là à croire en une malédiction familiale… Malgré sa morosité et son attitude placide, Théo est un personnage attachant qu’on voudrait voir se secouer pour enfin prendre sa vie en main. Il semble las de tout, passionné par rien, il n’a ni ambition ni rêve secret, à part peut-être le souvenir d’un amour de jeunesse qu’il n’a pas osé concrétiser. Ce n’est pas un mauvais gars, mais il se contente de vivoter.
En général, je déteste ce genre de personnages qui se laisse vivre en chouinant par intermittence, pourtant j’ai aimé Théo. Il n’en fait jamais trop, même quand il se plaint. On pourrait le croire ennuyeux, cependant il n’en est rien. J’ai aimé le suivre et apprendre à le connaître. En peu de pages, on s’en fait un ami. Un ami un peu relou, mais ce n’est pas grave. On peut même s’identifier, en partie, à sa peur d’avancer dans la vie, même en sachant que ses craintes sont ridicules car personne n’a une vie parfaite. 
Cette BD, avec son charme désuet et ses personnages en roue libre, nous rappelle que la réussite s’appuie sur des échecs, que la vie est de toute façon une succession de mésaventures et qu’au final peu importe si on se plante, le tout est de continuer car on n’en a qu’une. Cette histoire n’est pas pour autant un parangon d’optimisme. Elle est pétrie d’humour grinçant et de petits arrangements avec soi-même. L’échec fait partie de la vie, la réussite peut n’être qu’une façade et ce n’est pas grave. Ce qui importe est le voyage, pas la destination, car tout a une fin. Nos personnages ont choisi de se laisser porter, à tort ou à raison. Néanmoins, on peut toujours changer de cap si on se décide, mais à quel prix ?
J’ai bien aimé cette lecture. Les personnages et leurs failles, Théo bien sûr, mais aussi Camille et Pépin, sont sympathiques malgré (ou grâce à) leurs très gros défauts. La dynamique qui se met en place entre eux est intéressante. Ils ne se tirent pas vers le haut, mais se poussent tout de même vers l’avant, et c’est déjà ça.
Et surtout, j’ai adoré les dessins. Ils donnent une ambiance un peu vieillotte à l’histoire, bien qu’elle ne le soit pas. Leurs tons chauds atténuent la morosité du récit mais pas la nostalgie qu’ils dégagent.
Ce fut une belle découverte.


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