samedi 4 juin 2016

Le Gardien de la Source

Un roman de Vanessa Terral publié chez Pygmalion.


 

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Présentation de l'éditeur :


"Puis elle le vit L'individu qui l'observait se tenait en retrait, à l'opposé de la pièce. Il ne cherchait pas à se fondre dans l'assemblée des gens bien nés. D'ailleurs, ceux-ci l'évitaient. C'était presque imperceptible, mais le flot des civilités s'écartait de lui dans une valse consommée." En cet été 1814, Marie-Constance de Varages, marquise du bourg d'Allemagne, et son héritière, Anne-Hélène, sont conviées au bal du comte de Forcalquier. Si une telle invitation ne se refuse pas, la marquise est inquiète. Quelques mois auparavant, sa fille a souffert d'un mal funeste et été sauvée in extremis. Depuis, elle n'est plus tout à fait la même... Quelle est donc cette ombre qui plane sur Anne-Hélène ? Et pourquoi le mystérieux Lazare, baron d'Oppedette, semble-t-il soudain subjugué par la jeune débutante ?



Avec ce nouveau roman, Vanessa Terral nous propose une romance historique nimbée de fantastique. Les malédictions des personnages s’y entremêlent dans la trame tissée par la Masco, un groupe de trois sorcières rappelant à la fois les Moires et la puissante Hécate.
Le Gardien de la Source est une transposition au XIXe siècle du mythe de l’enlèvement de Perséphone. L’autrice s’est glissée entre les mailles de l’Histoire, faisant d’elle sa complice. Elle a su trouver la période parfaite pour y inscrire son récit. De la mode au climat, tout semblait prêt à accueillir le mythe et cela en renforce le charme.
J’ai un faible pour les mythes de descentes aux Enfers et particulièrement pour celui de Perséphone et sa romance avec Hadès. C’est une histoire que je connais bien, dans ses nombreuses versions comme son symbolisme. Le Gardien de la Source en est un parfait écho, une réécriture très fine et réfléchie qui, si elle a sa propre personnalité, ne laisse rien au hasard et reprend le moindre détail de l’histoire d’origine. Les noms des personnages sont très significatifs, leurs occupations et caractères en parfait accord avec les dieux qu’ils incarnent. Leur histoire familiale et le biais permettant de les réunir sont à la fois très logiques et évocateurs. Tout ici rappelle le mythe et ce fut un plaisir d’attraper les références au vol. L’auteur fait preuve d’une grande érudition, en plus de la poésie de son écriture. Pour ne citer qu’un exemple, les détails botaniques, pour anodins qu’ils puissent paraître, sont eux aussi très importants pour qui sait les décrypter.
Le déroulement complet du mythe est repris et étoffé. On voit clairement l’évolution d’Anne-Hélène, de Koré, la jeune fille, à la vénéneuse Perséphone. De l’agnelle à la nielle, en somme… Et la personnalité de Lazare rappelle en tous points celle du dieu qu’il incarne. Même les personnages secondaires ne sont pas oubliés. On croise entre ces pages, entre autres déités, Hermès, Dionysos, Adonis… Tous fidèles à leur nature.
On sent que cet ouvrage a demandé beaucoup de recherches et de méthode. Dans les romances historiques, le contexte n'est bien souvent qu’un grossier décor de carton-pâte qui ne convainc personne. Ce n’est pas le cas ici, bien au contraire. Vanessa Terral a respecté les codes et les événements de la période qu’elle a si justement choisie et en a nourri son intrigue. Elle a su se servir de toutes les possibilités que lui offrait ce début de XIXe siècle et les doser afin que son roman ne devienne ni une illusion falote ni un ennuyeux guide historique.
Cependant, si la transposition à l’époque napoléonienne est réussie, je ne suis pas parvenue à me détacher du mythe d’origine. Je le cherchais derrière les mots, dans les détails et les multiples références qui sous-tendent le récit. Au final, je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise chose. Il est tout à fait possible de lire ce roman sans connaître du tout, ou alors bien peu, l’histoire de Perséphone et Hadès, cependant je trouve que ce serait fort dommage tant la réécriture est pointue. Cette connaissance du mythe offre une double lecture très intéressante. Mais, en s’attachant trop à celui-ci, ne met-on pas de côté la personnalité propre du roman ?
Quoi qu’il en soit, le Mystère de Perséphone s’accomplit dans ce récit et c’est déjà beaucoup. Si vous aimez ce mythe, je ne peux que vous encourager à lire Le Gardien de la Source.

5 commentaires:

  1. J'ai beaucoup aimé également ce roman et, pourtant, alors que je connais le mythe, je n'ai pas vu tous ces détails que tu évoques - pour moi, le mythe apparaissait vraiment en filigrane, vers la fin. Comme quoi ce roman est bien plus riche que je ne le pensais au premier abord !

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    1. Il faut dire que j'ai retourné ce mythe dans tous les sens durant de nombreuses années... Je crois que ça aide. ;) Sachant qu'il s'agissait d'une réécriture, j'ai été particulièrement attentive. Certaines références ne sont pas évidentes. La présence d'Adonis, par exemple, est sujette à interprétation. C'est peut-être moi qui vois quelque chose qui n'existe pas. Il peut aussi y avoir des détails de l'histoire qu'on a connus et oubliés, comme le viol (ou la tentative selon les sources) de Déméter. Cela passe inaperçu à côté de références plus limpides, comme la personnalité des personnages principaux. Je suis d'accord avec toi, c'est un roman très, très riche, avec plusieurs niveaux de lecture.

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  2. J'ai été agréablement surprise de découvrir la plume de Vanessa si poétique. Je ne l'avais encore jamais lue. Je vais donc enchainer avec l'Aube de la Guerrière :)

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    1. Les deux romans sont de genres très différents, mais c'est toujours un plaisir de lire Vanessa. ;)

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  3. Oui c'est ce qu'il me semble (à lire le résumé) et j'avoue que ça pique d'autant plus ma curiosité :)

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