Une autobiographie de Déborah Feldman, publiée chez Audiolib en version audio, lue par Charlotte Campana.
Présentation de l'éditeur :Dès qu’elle a senti ce petit être au creux de ses bras, si fragile, Deborah Feldman a su ce qu’elle devait faire. A peine âgée de 19 ans, elle a toujours vécu au sein de la communauté hassidique Satmar. Elle a toujours suivi les principes implacables qui régissent les moindres détails de sa vie : ce qu’elle peut porter, à qui elle peut parler... Tous les principes sauf celui de ne pas lire de littérature. Les moments de lecture volés de son enfance, passés à découvrir les êtres de papier indépendants et fiers de Jane Austen et Louisa May Alcott, lui ont donné envie de découvrir une autre vie, au milieu des gratte-ciel de Manhattan.Elle sait qu'il est temps d’échapper à son mariage dysfonctionnel avec un homme qu’elle connait à peine, d’abandonner ses responsabilités de bonne fille Satmar et de laisser cours à ses désirs. Indépendamment des obstacles, il est temps, pour elle et son fils, de trouver le chemin du bonheur et de la liberté.Le récit autobiographique de Deborah Feldman, jeune femme juive qui a fui son milieu religieux et qui a inspiré la série Netflix Unorthodox.
Je suis tombée sur cet audiolivre en compulsant le catalogue d’Audible. Bien qu’ayant entendu parler de la série éponyme, je ne l’ai pas encore vue. J’hésitais à commencer le livre en premier, mais en écoutant l’extrait j’ai eu envie de continuer. Il faut dire que la lectrice fait un très bon travail. Son agréable voix porte à merveille les confidences de l’autrice, la candeur de son enfance aussi bien que ses incompréhensions d’adolescente et ses révoltes d’adulte. On s’attache vite à Devoireh et on souhaite le meilleur pour elle.
Unorthodox est un roman autobiographique. Deborah Feldman y retrace son enfance et son entrée dans l’âge adulte au cœur d’une communauté juive hassidique. Elle nous parle de sa famille et de sa communauté, de leurs traditions, de sa façon d’envisager la religion, de son amour de la lecture et de son besoin de liberté. Intelligente, elle passe son temps à s’interroger sur le monde. Elle explique comment ses aspirations ont fini par la couper de ses racines sans rejeter pour autant ces dernières.
« En vérité, toutes ces certitudes résident dans l’esprit, et le mien ne peut pas être entravé : si personne ne peut réduire mes rêves, alors aucune accumulation de contraintes ne pourra garantir une paisible soumission de ma part. »
J’ai grandi dans un environnement si différent de celui de Devoireh et pourtant je me suis sentie très proche d’elle. Nous avons à peu près le même âge et nous avons lu les mêmes livres dans notre enfance, je suppose que cela aide. Ses lectures l’ont construite et sauvée d’une certaine manière. Cela crée une résonance en moi. Je crois à la lecture comme vecteur d’émancipation, d’apprentissage et même comme pilier de soutènement de la santé mentale, pour peu qu’on soit curieux et doté d’un bon esprit critique comme c’était le cas pour Deborah.
Son récit m’a passionnée. Elle évoque ses interrogations incessantes, sa relation avec Dieu, sa façon de se cacher pour lire et de louvoyer pour se procurer des livres, ses réflexions de petite fille qui cherche à appréhender et s’approprier des concepts religieux qu’elle n’est pas censée remettre en question ainsi que des concepts sociaux qui lui sont étrangers. Elle avait envie de voir plus loin que le quartier où elle a grandi, d’apprendre pour mieux choisir son destin. Elle brosse le portrait d’une communauté sévère, engoncée dans ses traditions, dont certaines l’étouffent. Elle parle des mariages arrangés, alliances qui ne peuvent se nouer sans argent, du tout petit monde dans lequel sont cantonnées les filles, de l’inquiétude permanente de n’être pas assez pure, assez modeste, irréprochable...
Je suis passée par toutes sortes d’émotions au cours de mon écoute : tendresse, effroi, colère, inquiétude, solidarité. On a beaucoup reproché ses prises de position à Deborah, pourtant, malgré tout ce qu’elle a pu vivre, j’ai trouvé dans ce récit une certaine indulgence pour sa famille et la volonté d’être juste en ne les accablant pas inutilement.
Ils n’ont jamais voulu lui faire de mal, c’est sans doute ce qui est le plus terrible. Ils l’ont juste éduquée comme ils pensaient qu’elle, ou tout autre enfant, devait l’être. Je suppose que c’est le danger de se replier sur soi, on ne remet que difficilement en cause les traditions. Ils s’y sont accrochés pour se protéger, mais parfois elles les empoisonnent.
J’ai été particulièrement touchée par les passages dans lesquels l’autrice évoque les personnes de son entourage qui souffraient de troubles mentaux (qui découlaient parfois de la pression exercée par la communauté) et qu’on n’aidait ou ne soignait pas. C’est assez perturbant et tellement triste.
J’ai aussi été choquée par la totale absence d’éducation sexuelle et les conséquences terribles que cela peut engendrer. Ces filles ne savent rien de leurs corps. Elles n’ont aucune idée de ce qui leur arrive lors de leurs premières règles et si Deborah ne panique pas elle n’en croit pas moins qu’elle va mourir. Et elle, au moins, ose en parler à sa grand-mère... Combien de filles de sa communauté doivent être terrifiées par ce changement dont elles ignorent la nature ?
Ajoutons à cela que leur ignorance en fait des proies faciles dans ce petit univers clos pas si protégé que ça. Comment se défendre d’une agression sexuelle quand on ne sait pas ce que c’est, quand on n’a même pas les mots pour s’expliquer ou qu’on craint confusément d’être celle qui sera accusée de s’être mal conduite parce qu’on ne sait même pas ce qui est arrivé ? C’est une pensée horrible, une dépossession humiliante de soi-même. La confusion et la détresse de la jeune Devoireh dans certaines situations m’ont fait mal pour elle.
« Peut-être ont-ils raison à propos du monde extérieur, ai-je pensé sur le moment. Quelle existence cauchemardesque que de vivre dans l’ombre d’une telle violence. Quand j’ai grandi, j’ai compris que les dangers que le film montrait existaient aussi dans ma propre communauté. Simplement, on les enveloppait de secret et on les laissait pourrir sur place. Et j’en arriverai à conclure qu’une société honnête vis-à-vis de ses dangers est meilleure que celle qui dénie à ses citoyens la connaissance et la préparation nécessaires pour les repousser s’ils se présentent. »
Dans leur naïveté, ces filles sont à la merci de quiconque souhaitant leur faire croire, ou faire, n’importe quoi. Certes, toutes ces filles ne sont peut-être pas aussi naïves que l’était notre narratrice, mais qu’advient-il de celles qui le sont ? Elles n’ont aucun pouvoir sur leur destinée et sont délibérément tenues à l’écart de connaissances de base afin de les rendre dépendantes des hommes de leur entourage. Cela donne le vertige.
Deborah Feldman nous dépeint des filles isolées, notamment par la barrière linguistique (on fait en sorte qu’elles n’utilisent l’anglais qu’au minimum) mais aussi dans leur propre communauté où leurs interlocuteurs sont restreints. C’était d’autant plus vrai pour elle qui n’était pas élevée par ses parents mais par ses grands-parents, je suppose que la barrière générationnelle n’a fait que l’isoler davantage. Sa force de caractère et son audace n’en sont que plus admirables.
J’ai été fascinée par l’histoire de cette femme, à peine plus jeune que moi, si semblable et si différente. Son récit m’a bouleversée, enragée parfois, amenée jusqu’au bord des larmes, mais je suis heureuse d’avoir pu voir au-delà de la cloison qui existe entre nos deux mondes. Elle m’a offert de nombreuses sources de réflexion.
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