mardi 8 février 2022

Je suis mon ouvrage, La marquise de Merteuil t1

 Un roman de Léna Buignet, publié uniquement en numérique chez Kobo Originals.



La marquise de Merteuil est un personnage aussi fascinant que détestable. Elle semble uniquement mue par la satisfaction de ses désirs et dénuée de tout sentiment ou remords, mais elle est surtout une très habile dissimulatrice dotée d’une intelligence hors du commun. C’est bien là son problème : elle est trop intelligente pour son époque et pour sa condition de femme qui ne lui permettent que de recueillir des miettes de l’admiration qu’elle devrait susciter. Cela est donc pour elle source de frustration et nourrit son amertume. Elle n’a d’autre choix, pour occuper son esprit bouillonnant et véloce, que d’exercer ses talents dans des intrigues de cour et de cœur, ce dont elle ne se prive pas. Elle est une lame qui tranche sans pitié la vie de ceux qui l’ont offensée et elle s’est forgée toute seule, comme elle le raconte dans ses lettres, pour être libre, aussi libre qu’une femme puisse l’être à son époque.
J’étais curieuse de voir ce que Léna Buignet ferait du matériel présent dans la correspondance des Liaisons dangereuses, me disant qu’il y avait matière à une belle exploration du personnage et peut-être à lui offrir davantage de nuances. Toutefois j’ai très vite été désappointée. L’autrice n’utilise pas du tout ce que la marquise confie dans ses lettres, elle lui invente une toute autre vie. 
J’ai beau avoir lu Les Liaisons dangereuses il y a plus de vingt ans, je me souviens encore très bien de la lettre dans laquelle la marquise raconte sa jeunesse, la façon dont elle a exercé son intelligence pour devenir aussi habile à feindre qu’à manipuler et, bien sûr, sa découverte de la sensualité. Je sais aussi qu’elle n’est jamais allée au couvent, contrairement à ce que nous conte Léna Buignet. Néanmoins, à ce moment de son récit, bien que déçue, je me suis dit qu’il y avait peut-être une bonne raison et que nous découvririons plus tard que l’autrice l’imaginait mentir à Valmont dans cette lettre.
Cependant, à peine quelques pages plus loin, qui rencontre la jeune Grisélidis après s’être échappée du couvent ? Le sémillant vicomte de Valmont, bien sûr. Il ne peut donc ignorer ses origines troubles et cette lettre n’a pas de raison d’exister dans le futur. À partir de là, oubliez tout ce que vous savez du roman épistolaire de Choderlos de Laclos à l’exception des noms des personnages. Aucune continuité entre les deux n’est possible. Si ce n’est profiter de l’aura d’un classique, je ne vois plus du tout l’intérêt. Cela est d’autant plus agaçant que ce roman n’a guère de consistance historique, il est assez mal documenté et va même jusqu’à amalgamer aristocrates et bourgeois plusieurs fois. L’intrigue est fort simpliste. On a une succession de situations improbables dans lesquelles les alouettes tombent toutes rôties dans le gosier de la future marquise. Rien n’est vraisemblable dans cette histoire. Même les détails pèchent, par exemple : un galant lit d’une traite une longue lettre échappée à dessein juste dans le temps qu’il met à se relever.
J’ai eu l’impression de lire une fanfiction, ce qui n’est pas péjoratif en soi : il en existe d’excellentes. Sauf que celle-ci ne l’est pas. Cette réinterprétation de l’histoire manque de profondeur aussi bien que d’érudition.
La fin est abrupte. Je suppose qu’elle est censée marquer une étape dans la vie de cette marquise et susciter l’envie de lire le prochain roman, toutefois cela donne surtout l’impression d’une coupure brute et injustifiée dans le récit.
À l’évidence, je n’ai pas été séduite par cette histoire que se veut féministe et libertine mais ne tient pas ses promesses. Je ne lirai donc pas la suite.


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