Un roman de Cécile Roumiguière et Julia Billet, publié chez École des loisirs.
Présentation de l'éditeur :
1974. Janig et Macha ont seize ans, les mêmes yeux pailletés d'or et les mêmes sourcils en bataille. Janig vit seule avec sa mère au milieu des vignes et s'ennuie dans son école de secrétariat. Macha étouffe dans son pensionnat de la Légion d'honneur et s'oppose à ses parents bourgeois. Elles sont deux, ne se connaissent pas et viennent d'apprendre qu'elles sont sœurs. Après leur avoir annoncé la nouvelle, Marthe, leur grand-mère, leur a proposé de la rejoindre au camp du Geai, une communauté hippie qu'elle a fondée en Bretagne. Chacune à sa façon, à pied, en train, en stop, en péniche, et même à cheval, Janig et Macha vont traverser la France pour découvrir le secret de leur naissance, se rencontrer et tester les liens du sang...
Ce roman fleure bon les années 70 et nous happe dès ses premières pages dans son ambiance très hippie et rock’n’roll. Je m’y suis plongée avec délice bien que trop jeune pour avoir connu cette période. Et à dire vrai Macha et Janig sont nées la même année que ma mère. Cela m’a fait sourire et m’a sans doute aidée à mieux les comprendre car j’ai retrouvé dans leurs vies respectives et dans la saveur de leur époque un peu de ce qui a forgé ma mère. Elle est toujours à sa manière une ado des années 70 comme j’en suis une des années 90, cela a construit les adultes que nous sommes devenues.
Janig et Macha sont sœurs, mais elles ne le savent pas. La première vit à Narbonne avec sa mère, vigneronne. Son père est mort durant la guerre d’Algérie, elle rêve de liberté et de musique plutôt que de l’avenir bien tranquille que lui prépare sa mère. La seconde vit à Paris. Issue d’une famille riche, elle est reléguée dans un pensionnat par une mère qui la tient d’une main de fer et un père qui l’adore mais est totalement soumis à son épouse. Si les deux filles sont en conflit avec leurs parents, elles ont de bonnes raisons, même si elles peuvent sembler un peu puériles au lecteur adulte. Elles sont proches du point de rupture alors quand arrive une lettre de leur grand-mère qui les appâte avec les miettes d’une grande révélation, les filles plaquent tout, chacune de son côté, pour partir en Bretagne retrouver cette grand-mère farfelue, matriarche d’un camp de hippies.
Je me suis laissé porter dans les pas de ces filles et je les ai tout de suite aimées. Elles oscillent entre l’adolescence et l’âge adulte, butées souvent, injustes parfois, mais pleines de rêves et d’espoirs, de doutes, d’angoisses et d’incompréhension ainsi que du besoin d’être acceptées et aimées. Elles se lancent dans cette quête identitaire avec fougue et panache, mais sans réfléchir, enchaînant les ennuis, les erreurs, mais aussi les rencontres providentielles. J’ai aimé leur façon de s’adapter, d’apprendre à se débrouiller malgré tout et de persister dans leur recherche de la vérité.
Leur récit est parsemé de chansons et de références littéraires, cela les rend encore plus vivantes et accessibles. Elles sont très attachantes et même si elles sont les filles d’un autre temps, on s’identifie facilement à elles. On veut dénouer avec elles le mystère de leur naissance.
Ce roman est avant tout une histoire de femmes, de filles, de mères, de sœurs. L’homme le plus important du récit en est aussi le grand absent. C’est d’ailleurs cela qui lui donne tout son intérêt. Les autres personnages masculins sont des satellites en orbite, perpétuellement de passage, familiers mais distants. Ils sont des intermittents dans la vie de toutes ces femmes. Amis, amants, frères, pères ou maris, aimés ou non ils semblent inconsistants, pas forcément parce qu’ils n’ont pas de caractère, mais parce qu’elles ne leur accordent pas tant d’importance que cela. Ce sont des hommes qui se taisent, majoritairement, par pudeur ou lâcheté, par amour ou par devoir. Ce qui ne veut pas dire que les femmes n’ont pas aussi leurs secrets et leur petit enfer personnel…
Les femmes de ce roman s’aiment mais se déchirent. Elles reproduisent des schémas familiaux ou se laissent influencer par les mœurs de leur époque, ou alors elles pensent bien faire, elles veulent un bel avenir pour leur progéniture, mais elles s’y prennent très mal. Marthe, la grand-mère, a bien compris que cette spirale devait se terminer avec Janig et Macha, mais elle n’est pas meilleure que les autres. Elle aussi a une histoire à démêler et des blessures à guérir.
J’ai aimé voir ces femmes couper tous les fils qui les entravaient, vider leurs cœurs de leurs secrets honteux, de leurs colères et de leurs querelles, se décider à avancer, conscientes du passé mais tournées vers le futur, décidées à ne plus reproduire les mêmes erreurs. Et puis, j’ai apprécié ce séjour au camp du geai, un peu hors du monde, avec tous ces personnages qui vivent à contre-courant. Ce fut une très bonne lecture, un récit prenant et intelligent qui est estampillé jeunesse mais peut plaire à tout âge.
Si vous avez aimé ce roman ou que ce billet a éveillé votre intérêt, je vous conseille la série Blue Cerise à laquelle a participé Cécile Roumiguière. C’est une série jeunesse comme il en faudrait plus.
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