lundi 2 décembre 2019

Passing Strange

Un roman d'Ellen Klages, publié chez ActuSF.

Présentation de l'éditeur :
San Francisco, 1940. Six femmes, avocate, artiste ou scientifique, choisissent d’assumer librement leurs vies et leur homosexualité dans une société dominée par les hommes. Elles essayent de faire plier la ville des brumes par la force de leurs désirs… ou par celle de l’ori-kami. Mais en science comme en magie, il y a toujours un prix à payer quand la réalité reprend ses droits.
Ellen Klages est une autrice américaine d’imaginaire qui vit à San Francisco. Passing Strange, a été finaliste du prix Nebula avant de remporter les World, British Fantasy et Gaylactic Spectrum Award 2018.
Choisir un livre est un pari. Tout lecteur sait qu’il peut parfois ouvrir un ouvrage et ne jamais y entrer ou au contraire tomber dedans dès la première phrase. La raison de cette intimité immédiate peut lui apparaître évidente ou impossible à définir, même une fois la dernière page tournée. Quelle importance de savoir pourquoi on a aimé un livre, pourquoi on a su dès les premières lignes qu’on l’aimerait ?
Cela m’est arrivé avec Passing Strange. Je suis entrée dans cette histoire comme une invitée dans une maison accueillante. C’était confortable et familier, même si j’y venais pour la première fois. Il faut dire que le réalisme magique, comme le fantastique, c’est ma came. Si le second est sombre et introspectif, le premier est plus optimiste ou en tout cas plus ouvert. Lire du réalisme magique, surtout à l’américaine, c’est voir d’un coup l‘horizon s’ouvrir sur un champ de possibilités immense... et souvent aller vers la plus farfelue. La magie discrète qui caractérise ce genre est facile à accepter, banale et habile à la fois. Elle ne prend pas le pas sur l’intrigue, elle s’y mêle naturellement.
Ici, la magie agit sur l’espace et le temps, elle plie le monde pour qui sait la manier. Elle est un art délicat, presque anodin. Ce sont les détails, la persévérance et la finesse, autant mentale que gestuelle, qui peuvent comme un rien changer le cours des choses. Et l’art, bien sûr, que serions-nous sans art ? Ne naît-il pas de notre capacité à nous émerveiller, à voir au-delà des choses, de notre besoin de créer ?
Passing Strange est un roman nimbé de magie où il fait bon flâner malgré les injustices dont il nous rend témoins. Il nous ramène à l’aube de la seconde guerre mondiale, à San Francisco, dans le sillage de six femmes d’âges variés. J’ai adoré les suivre, les voir évoluer, apprendre à leurs côtés ce qui caractérisait leur époque. Je me suis passionnée pour leur vie, insurgée de découvrir comment ces femmes intelligentes et dotées d’un tel appétit de vivre étaient fustigées par la société. Pourtant, ce n’était pas une surprise.
Néanmoins cela paraît toujours aberrant de se dire qu’une femme pouvait être arrêtée si elle ne portait pas au moins trois vêtements féminins. À notre époque où l’homophobie est malheureusement encore bien présente, on se rend malgré tout compte que du chemin a été parcouru. Enfin, dans certains pays…
Mais revenons aux femmes qui font ce roman. Il y a Franny, cartographe et magicienne, qui fait office de fil de trame entre ces femmes, et Babs, sa compagne, la mathématicienne. Il y a Helen, américaine d’origine japonaise qui doit danser pour gagner sa vie malgré ses diplômes. Il y a Emilie qui a fui sa riche famille et Haskel l’artiste. Enfin il y a Polly, seize ans, que son père a voulu protéger des conflits qui font rage en Europe. Elles sont toutes attachantes, brillantes, volontaires. Comment ne pas vouloir le meilleur pour elles ?
J’aurais bien passé davantage de temps avec elles. J’ai particulièrement aimé la personnalité d’Helen et sa finesse d’esprit. La façon dont elle a choisi de clore cette histoire est un tour à sa mesure. Emilie et Haskel sont aussi très émouvantes.
Passing Strange parle de magie et de science, d’amitié et de désir d’émancipation, mais c’est aussi une très belle histoire d’amour.
Le seul reproche que je pourrais faire à ce roman est le nombre assez impressionnant de coquilles : mots absents, en double ou à la place d’autres. C’est fort dommage. Cependant, cela n’empêche pas d’apprécier cette belle histoire que j’ai quasiment lue d’une traite tant elle m’a plu.
Et maintenant je vais me consoler d’avoir fini ce roman avec la nouvelle spin off : Caligo Lane.

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