jeudi 23 janvier 2020

Dernières nouvelles d’Œsthrénie

Un roman d'Anne-Sylvie Salzman, publié chez Dystopia.


Lire Dernières nouvelles d’Œsthrénie est une étrange expérience. Comment ne pas croire à ce pays qui n’existe pas alors que l’autrice nous le décrit avec tant de finesse ? Vous refermerez ce livre en n’étant plus si sûr de ne pas avoir déjà visité cette contrée à la fois étrangère et familière, dont vous avez appris les coutumes, fréquenté le peuple et découvert la tumultueuse histoire.
L’Œsthrénie se trouve entre deux pays et deux cultures. Son peuple même est divisé entre ceux des Hauts, dont la vie est rude et les croyances différentes, et ceux des villes et des vallées. L’histoire de ces gens s’écrit dans le sang, entre les guerres et les révolutions.
Ce livre est composé de six textes, qui pour moi forment une spirale, autant de récits personnels et intimes qui accompagnent l’évolution de l’Œsthrénie et vous ne saurez plus trop non plus qui, du pays ou du narrateur, est le véritable protagoniste de cette histoire.
Cela commence comme un récit familial, avec une jeune aristocrate, puis se poursuit avec ses descendants, mais viennent ensuite d’autres personnages, dont un soldat roumain et une fille des Hauts. La différence de caractère et la richesse des points de vue autant que des époques contribuent à nous faire embrasser l’Œsthrénie dans toute ses spécificités.
J’ai beaucoup aimé le premier texte, qui est certes le plus long, ou en tout cas semble l’être car il pose le décor, mais est aussi celui qui est le plus empreint de Fantastique. C’est par lui que nous apprenons la géographie de ce pays, ses coutumes et ses légendes. J’ai particulièrement aimé voir se dessiner dans mon esprit cette Œsthrénie si singulière. Si les autres nouvelles sont plus enclines à raconter l’histoire de cette nation, c’est bien dans ce texte qu’elle prend naissance et cela lui confère une ambiance particulière, qui relève presque du légendaire.
Ce n’est pas une lecture légère, loin s’en faut. Les personnages, aussi intéressants soient-ils, sont pour la plupart assez torturés ou dans des situations difficiles, la mort et la folie les guettent sans relâche. On les quitte à des moments cruciaux de leur histoire, puis on apprend des bribes de celle-ci dans la nouvelle qui suit. C’est assez frustrant en fait, mais cela suit un schéma logique. Leur existence se fond dans celle de leur pays, mais que restera-t-il de lui quand ils seront tous morts ?
Avec sa minutie et son goût du détail, cet ouvrage n’est pas sans rappeler le travail de ces grands créateurs de mondes que sont Ursula Le Guin et Christian Léourier. C’est une lecture exigeante qui demande toute l’attention de son lecteur, mais le récompense en retour par sa subtilité et sa profondeur.

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