Un roman de Maggie O'Farrell, publié chez 10/18.
Présentation de l'éditeur :
Entre l'Inde et l'Écosse, des années 1930 à nos jours, l'histoire déchirante d'une femme enfermée, rejetée de la société et oubliée des siens. Un roman d'une beauté troublante, où s'entremêlent des voix aussi profondes qu'élégantes pour évoquer le poids des conventions sociales et la complexité des liens familiaux, de l'amour à la trahison.
À Édimbourg, l'asile de Cauldstone ferme ses portes. Après soixante ans d'enfermement, Esme Lennox va retrouver le monde extérieur. Avec comme seule guide Iris, sa petite-nièce, qui n'avait jamais entendu parler d'elle jusque-là. Pour quelle étrange raison Esme a-t-elle disparu de la mémoire familiale ? Quelle tragédie a pu conduire à son internement, à seize ans à peine ?
Toutes ces années, les mêmes souvenirs ont hanté Esme : la douceur de son enfance en Inde, le choc de son arrivée en Écosse, le froid, les règles de la haute bourgeoisie et, soudain, l'exclusion... Comment sa propre sœur, Kitty, a-t-elle pu cacher son existence à ses proches ? Et pourquoi Iris se reconnaît-elle tant dans Esme ?
Peu à peu, de paroles confuses en pensées refoulées, vont ressurgir les terribles drames d'une vie volée...
Iris a la trentaine, tient un magasin de vêtements vintage à Édimbourg et n’a pas très envie de se fixer. Il faut dire qu’elle traîne quelques casseroles. Tout bascule quand un hôpital psychiatrique la contacte au sujet d’une parente dont elle n’avait jamais entendu parler jusque-là. Iris tombe des nues et ne peut obtenir de renseignements nulle part. Son père est mort, sa grand-mère souffre de la maladie d’Alzheimer et, bien qu’elle s’en défende, l’histoire de cette mystérieuse grand-tante l’intrigue. Ainsi, elle va peu à peu se mettre à tourner autour de ce mystère comme un papillon attiré par une lampe.
Quelle étrange et horrible histoire que celle-ci ! Les internements abusifs dont ont souffert beaucoup de femmes au début du XXe siècle ne sont plus un secret. Ce qu’on a pu leur faire subir parce qu’elles étaient indociles, trop libres ou encore par la fantaisie d’un mari désireux de se débarrasser d’une épouse encombrante est une abomination. Et c’était si facile… Le sujet est toujours tabou, on détourne facilement le regard ou on cherche des justifications, mais beaucoup de ces secrets ont été exhumés.
Esme Lennox personnifie toutes ces femmes. Comment ne pas être touchée par son histoire qui commence de manière tout à fait banale ? Esme égrène ses souvenirs, elle essaie de comprendre et c’est ce qui lui permet de ne pas sombrer. C’est un personnage émouvant et au fur et à mesure que se dévide la pelote de tout ce qui l’a conduite à passer plus de soixante ans dans un asile, on ne peut qu’être horrifié et ressentir une profonde empathie.
On évoque dans ce livre l’hypocrisie d’une bonne société qui traite ses filles comme des objets, qui leur refuse indépendance et même le moindre des respects. C’est un récit dur, mais conté avec beaucoup de pudeur et de mesure.
Au début on se demande ce qui cloche avec Esme, à part qu’elle est trop intelligente et peu encline à l’obéissance. On devine, plus qu’on ne nous dit, ce qui c’est vraiment passé et cela est plus aberrant encore. Je me suis demandé pendant une bonne partie de ma lecture pourquoi sa sœur, dont elle était si proche, l’avait laissé croupir dans cet institut même après la mort de leurs parents et quand j’ai entrevu la vérité malgré la façon dont l’autrice essaie de détourner l’attention de ses lecteurs, j’ai trouvé cela plus affreux encore que ce à quoi je m’attendais.
Ce récit est fort d’un point de vue émotionnel et humain, mais il papillonne, il effleure seulement les événements d’un coup d’aile. Il tourne autour d’une manière presque dérangeante. La narration est floue à dessein. Elle est partagée entre Iris, au présent ou au passé et ses multiples interrogations, les souvenirs emmêlés et incomplets de Kitty et ceux, dévidés avec calme et méthode, d’Esme.
Cette narration floue tente de rendre l’histoire fantomatique, insaisissable et renforce ses aspects dérangeants tout en avançant de manière très précautionneuse.
J’ai tendance à aimé les récits qui ne sont pas linéaire, les narrations hachées ou à double vitesse. Pourtant ici ces circonvolutions ne m’ont pas plu. Elles font partie de l’histoire, elles ont un sens, mais je n’ai pas aimé cette façon de la raconter. J’ai préféré les passages dévolus aux souvenirs d’Esme. J’ai aimé l’intelligence de ce personnage, découvrir sa singularité. Elle est fascinante.
Les souvenirs décousus de Kitty qu’on attrape au vol sont aussi une bonne idée, même s’il est très frustrant de la voir s’interrompre sans cesse quand tout ce que l’on veut est en savoir plus. C’est par ces souvenirs effilochés qu’apparaissent les subtilités de l’histoire, tout en délicatesse.
En revanche, je n’ai pas du tout apprécié la partie de l’histoire consacrée à Iris. Le personnage n’est pas spécialement antipathique et elle avait du potentiel, cependant sa relation bizarre avec son frère qui n’est pas son frère et son encombrant amant n’apporte vraiment rien au récit.
Je garde une impression très mitigée de cette lecture, d’autant plus que je n’ai pas aimé la fin en queue de poisson. Cependant, le sujet est intéressant. Il met en lumière de bien sombres pratiques. J’aurais vraiment apprécié que ce récit soit davantage développé, d’autant que le personnage d’Esme m’a plu.
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